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Chez les Sherpas du Solu

 

Ce trek du Solu est un enchantement, tant par les paysages qu’il traverse que par la qualité des rencontres que l’on y fait et des évènements même mineurs que l’on y voit ou auxquels on participe.

Tous les treks auxquels nous avons déjà participé au Népal, et ils sont nombreux, se déroulent :

* soit sous tentes en campements avec une équipe spécialisée (outre le guide et les porteurs, un cuisinier et ses assistants, et parfois un muletier comme au Mustang),

* soit en lodges (structures « commerciales » plus ou moins développées en termes de confort et de services, parfois sommaires, ou au contraire avec plus de moyens).

Dans ce trek du Solu, le principe est de s’arrêter le plus souvent possible chez l’habitant, ou parfois chez un des guides de l’agence, où l’on nous assure hébergement et repas.

C’est ainsi que nous avons été accueillis et hébergés dans la famille de Tsering (guide de l’agence) à Thulo Patal, près de Khawa sur la route de Jiri, et que nous avons passé un jour et demi dans la maison et avec la famille au grand complet de Jambu, notre guide lors de ce trek, dans son village à Dimil.

A chaque fois, ces familles nous ont laissé disposer d’un espace de vie confortable et largement suffisant dans leur propre maison, parfois en nous donnant leur chambre comme chez Tsering. Les repas sont partagés soit dans la pièce commune qui fait office de cuisine, soit directement dans la cuisine lorsqu’il y fait plus chaud (en novembre dans cette région, il peut faire très frais).

Chez Tsering, comme dans une famille près d’un petit monastère à Dimil ou au camp de base du Pikey Peak, ce sont quatre générations qui nous ont reçus, de la gamine de trois ans à l’arrière grand père, lequel tenait le soir le rôle du conteur, écouté presque religieusement par toute la famille et notre équipe (guide et porteur) toujours présente.

Ici comme partout ailleurs au Népal, la tradition orale est forte. Le guide en particulier parle beaucoup avec tous ceux qu’il rencontre, et surtout lors des arrêts du midi ou du soir. On imagine qu’il raconte qui il est et ce qu’il fait, qu’il prend des nouvelles de la population locale, ou qu’il s’enquiert de la météo prochaine ou de l’état des chemins…

Les repas étaient souvent « améliorés » par rapport à ce que l’on sait de ce que constitue l’ordinaire de ces familles. Nous pouvions à chaque fois y constater le respect et la gentillesse dont elles font preuve à l’égard de leurs hôtes. Outre qu’elles mettaient les petits plats dans les grands, nous pouvions à chaque fois admirer le rituel du service, habituel au Népal, les invités en premier, puis l’aïeul ou le père, puis le guide et le porteur, et enfin le reste de la famille.

Les enfants et les jeunes sont ce que l’on voit de moins en moins dans nos sociétés occidentales. Dans la famille de Jambu par exemple, ils assistent leur mère dans les tâches ménagères, ils ne monopolisent pas l’attention des adultes, ils respectent l’étranger et malgré les difficultés matérielles qu’ils connaissent, ils restent joueurs et rieurs, et toujours souriants lorsqu’ils vous croisent ou vous parlent. L’un s’occupe d’aller chercher du bois dans la forêt, l’autre de nourrir les poules, le troisième de trier les grains de maïs, et chaque après midi, la fratrie sort les animaux (vaches et chèvres) et les emmène paître puis procède à la traite. Il y a à la fois, même si ça parait antinomique, de la chaleur dans les relations et de la fraicheur dans les comportements. C’est ce que nous aurons observé tout au long de ce trek, sans réelle surprise d’ailleurs tant il est vrai qu’il s’agit là de constantes dans la société rurale du Népal, quelles que soient les ethnies …

Dans son village de Dimil, 2 915 m, notre guide nous fait visiter le matin un petit monastère dont s’occupe un de ses oncles, Lama, qui nous accueille ensuite chez lui pour le thé. Toujours cette ambiance chaleureuse qui vous enlève l’envie de partir … L’après midi, nous allons visiter une école dont l’un des deux bâtiments a été détruit lors du tremblement de terre. Là encore, le directeur et les maîtres nous font faire le tour des installations, nous présentent les enfants, nous font visiter la nouvelle école en construction, et nous invitent chez eux pour boire le thé !!

Une soirée particulièrement émouvante a eu lieu à Ngaur, avant le camp de base du Pikey Peak, village connu pour sa fromagerie. Il y a là un monastère qui a été détruit lors du tremblement de terre. Plusieurs moines y vivaient à l’année mais en sont partis en attendant de pouvoir reconstruire. Seule une nonne qui habite dans une maison voisine est restée. Elle nous a accueillis chez elle, trois petites pièces très basses de plafond en enfilade, dont les deux premières munies d’un âtre pour la cuisine et le chauffage. Nous avons vite constaté qu’elle ne savait quoi faire pour nous être agréable. Elle a « adopté » le guide et le porteur pour l’aider à éplucher les légumes et préparer le repas du soir. A la tombée de la nuit et la venue de la fraîcheur, elle a posé par terre à côté de nous un braséro rempli de braises prélevées dans l’âtre pour nous réchauffer. Nous avons dormi tous les trois dans la même chambre, elle-même a fait de longues prières avant de se coucher, mais avant cela elle a couvert Danièle d’une couverture en la bordant soigneusement !! Tout au long de la soirée, cette dame s’est occupée de nous comme si nous étions ses enfants, alors que nous avions le même âge !! Le lendemain matin, petit déjeuner dehors devant une magnifique chaîne de montagnes enneigées… Voilà des lieux et des moments que l’on n’a vraiment pas envie de quitter …

Dans le village de Bandhar, nous avons aussi passé la nuit dans une famille qui mettait une chambre à disposition des voyageurs. Soirée dans la salle commune, avec des voisins qui entraient passer un moment et qui repartaient. Après le repas, arrivent deux dames et un homme, 50/60 ans, qui s’installent et qui se partagent du thé et une petite fiole de rhum Népalais. Discussions, histoires, rires, et même sans comprendre ce qui se disait, ou avec les seules explications du guide, nous avons eu ce soir là quelques fou-rires tonitruants tellement la « scène » nous apparaissait cocasse !!

Peu avant Namkheli, nous faisons halte pour la nuit chez une dame et son fils d’environ 12 ans. Le mari est absent, retenu sans doute loin de la maison par son travail. A Sisa Khola, nous avons droit à un lodge neuf, mais nous passons la soirée dans la cuisine du jeune couple enfants des propriétaires. Comme à Bandhar, cette cuisine est une sorte de « caravansérail », les voisins s’arrêtent un moment pour discuter, des voyageurs dinent avec nous.

Les menus sont ceux habituels au Népal, Dal bath, soupe de poulet, macaronis aux légumes, pommes de terre au sel …

Nous avons goûté la boisson des Sherpas, à base de millet …

Quand nous quittons les familles, les départs le matin donnent lieu à des effusions réelles. Quand Danièle l’a serrée dans ses bras pour lui témoigner son affection et sa reconnaissance, nous avons vu la femme de Jambu essuyer des larmes, et les enfants étaient tristes, comme si nous étions devenus de la famille …

L’obstacle de la langue est largement levé par la qualité des sentiments et la force des émotions…

Géographiquement, la région est montagneuse, avec de bons dénivelés. Nous avons traversé des forêts de rhododendrons, malheureusement pas à la bonne saison, des pinèdes, des champs de cardamone, des terrasses très bien entretenues où se cultivaient riz, moutarde, millet, sarrasin, maïs, cucurbitacées

et pommes de terre. Nous avons aperçu des parcelles de forêts brulées pour récupérer des terres cultivables. Certains hameaux traversés sont d’une propreté rigoureuse. Nous avons pu voir des labours de parcelles à l’aide de bœufs, et avons admiré un soir des femmes qui finissaient de ramasser des pommes de terre, dans une posture digne de « l’angélus » de Jean François Millet … Un matin à Kerung, après avoir suivi sur le sentier une multitude de gamins de tous âges en uniformes, nous assistons à 10 h 00 au rituel de l’entrée en classe, alignements par tranches d’âges, chants patriotiques, discipline stricte, consignes des maîtres …

Tout au long de son déroulement, cet itinéraire permet d’admirer de nombreux sommets enneigés. Du sommet des deux Pikey Peak (4065 m et 4067 m, voisins l’un de l’autre), on voit très nettement la chaîne de l’Himalaya et on peut aussi admirer par temps clair l’Everest, et le matin tôt, le lever du soleil sur le plus haut sommet du monde …

Lors de notre trek en novembre, certains torrents d’altitude (plus de 3 500 m) étaient gelés !! Il faut savoir que la plupart de ces torrents ou ruisseaux (180 au total semble t’il …) sont considérés comme sacrés car ils viennent d’une montagne elle-même sacrée …

De retour de ce trek dans le Solu, hors des sentiers battus du Népal, après avoir découvert ces deux ethnies Sherpa et Tamang, après avoir partagé le quotidien des familles et apprécié leurs traditions et leurs cultures, leurs habitats différents, nous pouvons affirmer notre enchantement et ce plaisir ressenti de la beauté des paysages et de la chaleur humaine. Bref … de l’authentique.

C’est le Népal à l’état pur, comme on l’aime …

Daniele et Paul
Novembre 2016